Elémentaire, mon cher...

Publié le par Le maître des Bouviers

Dernièrement j'ai regardé la télé.

Oui, je sais, c'est incroyable, inouï, estomaquant !
Je vous entends vous exclamer, outrés et indignés : "QWÂ ? Vous ! Vous, le Maître des Bouviers, le parangon des vertus morales républicaines et anarchistes, vous dont la vie saine et pure nous sert d'exemple inaccessible, vous qui avez relevé le niveau, hélas déplorable, de tout ces blogues indignes ! Honte !"
Oui, j'ai honte.
J'ai honte mais je ne le regrette pas.
Que je vous raconte ça par le menu.

Voici quelques jours, donc, alors que la nuité s'avançait sur les landes de ma modeste propriété, je déambulai nu dans cette modeste masure qui me sert de lieu de vie en cherchant cette inspiration qui fait ma gloire lorsque je la transcris en épopée glorieuse et captivante dans le seul et unique but de faire apparaître un sourire de contentement sur vos douces lèvres, mes chers amis.
Au détour d'une pièce, je découvris un étrange et mystérieux meuble, je m'étonnai d'une présence si incongrue et en fis le tour sans pour autant pouvoir déterminer son usage.
Une armoire normande, je connais.
Une pendule comtoise aussi, les vistemboires nacrés du XIIIe siècle (j'en ai une impressionnante collection qui fait pâlir d'envie le conservateur du British Muséum) n'ont plus de secret pour moi.
Mais là, je dus avouer mon ignorance sur l'utilité d'un pareil meuble.
Assez disgracieux au demeurant : noir, vaguement rectangulaire, doté sur son devant d'un verre opaque que je devinai épais et, sortant de son ventre, tout un tas de fils que je supposai électriques puisque, aussi bien, ils ne pouvaient être reliés à l'appareil pour empêcher qu'on me le volât : les Bouviers assurent en la mienne demeure et aux alentours une garde si vigilante qu'elle en devient, au besoin, mordante.
Si mordante, au demeurant, qu'elles alignent à leur tableau de chasse, trois préposés aux postes, une compagnie de pompiers venue me proposer un calendrier, dix-sept démarcheurs en tout genre d'articles aussi inutiles que dispendieux et quatre-vingt-huit prosélytes de mouvements religieux ou sectaires attirés par ma supposée prodigalité.
Cela ne manque pas, d'ailleurs, de perturber ma digestion quand l'une d'elles, ou les deux, me rapportent, très satisfaites d'elles-même, comme trophée, un fémur ou un cubitus humain alors que je suis attablé devant un lièvre à la royale.

Bref, électriques donc, un bouton de mise en charge achevait de confirmer la chose.

J’appuie sur le bouton et, ô miracle, des images apparaissent, animées qui plus est.

Merveille des merveilles !

Je remarque, bien sûr, au bout de quelques instants que ces jolies images, toutes en couleurs chatoyantes et vives, n’ont presque pas de contenu.

Toute une litanie de vacuité consternante, comment peut-on remplir quelque chose d’aussi épatant (la transmission d’images à distance) avec autant de rien.

Là un quidam, sur une île brûlée de soleil, tentait de manger une bestiole toute pleine de poils et de pattes, ladite bestiole opposait un vif désaccord à cette proposition.

Ben, oui, l’est pas con la bestiole, contrairement au quidam qui tentait de l’ingurgiter vive !

Est-ce que je tente, lorsque l’envie me prends d’un tournedos Rossini, de couper un morceau de filet sur l’animal alors qu’il vaque, vif et gaillard, à ses occupations de bovidé ?

Non.

Faut pas être couillon tout de même !

Ailleurs un pauvre hère nous décrivait par le menu sa pauvre condition, il souffrait, je cite : d’addiction au sexe.

Une forme d’asservissement au déduit, à la fesse ; il fallait, disait-il, qu’il tire sa crampe au moins deux fois par jours et que c’était terrible parce qu’il ne vivait plus, il ne dormait plus, il ne pouvait plus travailler, le pauvre chéri.

Je n’ai pas bien compris le problème  de ce gros cochon, moi j’y pense tout le temps, je fais ça plusieurs fois par jour et ça ne me pose aucune sorte de problème.

Enfin, je tombais sur une troupe de braillards au regard de veau mort qui tentait de charmer un aréopage d’anciennes gloires de la chanson en hurlant comme la sirène des pompiers, avec cependant moins de talent.

Je conclu que cet étrange meuble ne m’était d’aucun secours, ma prodigieuse cervelle n’avait que faire de l’absence d’information et d’excitation intellectuelle délivrée par le susdit appareil quand, tout à coup, inopinément, sans crier gare, un reportage dans une mine mexicaine accrocha mon regard et mon attention.

Or donc, dans cette mine de je ne sais quel minerai, des mineurs à la mine anémiée, à la faveur d’un creusement, avaient découvert une géode géante, à l’intérieur de cette géode des cristaux géants eux aussi.

Jusqu’à présent, disait le narrateur, les plus grands cristaux découverts faisaient au maximum 1 mètre de long, ceux de cette grotte mexicaine faisaient jusqu’à…  17 mètres de long !

Découverte épatante et impressionnante, scientifiquement capitale.

D’autant que l’accès de cette grotte était très difficile : il y régnait une chaleur et une humidité infernale parce que se situant à 500 mètres de profondeur.

Avec 50° C et presque 95 % d’humidité, la durée de vie à l’intérieur de cette géode ne dépassait pas les 5 minutes, au-delà la mort était presque certaine.

Des images captivantes, un récit passionnant qui me firent revenir sur ma décision de fiche à la déchèterie cette étrange lucarne.

 

Cela me fit, en outre, penser à l’émerveillement qui fût le mien quand je lus, tout minot, les aventures du Pr Otto Lidenbrock, de son neveu et d'Hans Bjelke dans les entrailles de la terre.

Qu'une découverte scientifique puisse, plus d'un siècle plus tard, illustrer, à la perfection, une oeuvre d'imagination me laisse rêveur.

Je compris, alors, enfin, devant ma télé, l'aphorisme d'Oscar Wilde : "L'écrivain invente et la nature copie.".

L'avait raison ce brave Oscar !

On peut se dire, assez banalement certes, que ce vieux Jules (Verne) avait un talent de visionnaire qui pourrait interpeller les déistes de toutes sortes qui ne peuvent expliquer le talent que par une grâce surnaturelle, pas moi.

Je suis néanmoins ébahi et jaloux de ce talent singulier : imaginer qu'au centre de la terre "poussent" des cristaux géants et on les découvre, prévoir que l'obus envoyé vers la lune fera un voyage de 89 heures et Apollon XI en mettra 87 !

On ne peut être que stupéfié par ce talent.

Ce n'est cependant pas vers "Voyage au centre de la Terre" que mon envie me porta mais vers un ouvrage plus flamboyant, plus drôle aussi, de Jules : "De la Terre à la Lune".

Le bouquin en question fait partie de mon fonds de bibliothèque depuis plus de trente ans peut-être, sans que je puisse me résoudre de m'en débarrasser pour faire de la place.

Retrouver ainsi ses émotions enfantines en lisant un livre à quelque chose de rassurant ; preuve qu'adultes nous n'avons point renier ce que nous étions gamins.

Et quel plaisir de (re)lire, dans ce français parfait et accessible à tous, les aventures de Michel Ardan, du capitaine Nicholl et du président Barbicane.

Le thème du voyage vers la lune n'était pas nouveau d'ailleurs lorsque Jules Verne y ajouta sa contribution : Cyrano de Bergerac (le vrai !) avait déjà imaginé d'y aller au moyen d'une barque soulevé par des aigles et Edgar Poe en ballon.

Là où Jules innova, c'est qu'il rendait la chose possible : il est théoriquement envisageable de fabriquer un canon capable d'envoyer un obus vers la Lune, un très gros et long canon certes mais c'est possible.

Il avait d'ailleurs, dans un ouvrage précédent ("Les 500 millions de la Bégum"), penser qu'un gros canon pouvait envoyer un obus au-delà de la ligne d'horizon et que, ce faisant, l'obus en question ne cesserait jamais de tomber, pour l'éternité, comme... un satellite artificielle ! Autre incroyable prescience !

Donc, les membres du Gun Club de Baltimore qui regroupe les fabricants américains de canons, s'ennuient après la fin de la guerre de Sécession, pour se divertir ils décident d'envoyer un obus sur la Lune.

Pourquoi ? Pour rien. Pour prouver qu'ils peuvent le faire.

Je ne résiste pas au plaisir de vous citer un court passage de "De le Terre à la Lune", au chapitre intitulé "Feu !", les trois voyageurs ont pris place dans l'obus et un membre du Gun Club appuie sur le bouton de mise à feu : " Une détonation épouvantable, inouïe, surhumaine, dont rien ne saurait donner une idée, ni les éclats de la foudre, ni le fracas des éruptions, se produisit instantanément. Une immense gerbe de feu jaillit des entrailles du sol comme d'un cratère. La terre se souleva, et c'est à peine si quelques personnes purent un instant entrevoir le projectile fendant victorieusement l'air au milieu des vapeurs flamboyantes.".

Qu'est ce que vous en pensez ? Moi, ça me mets dans un bel état d'exaltation.

 

Un autre bouquin qui m'a bien plu :

 

"Histoires secrètes de Sherlock Holmes"

René Reouven

Éditeur : Folio policier

8 ou 9 €

 

Que je vous le dise tout de suite : je ne suis, je n'ai jamais été un grand fan de Sherlock Holmes.

Je trouve que le personnage, en tout cas celui décrit par Conan doyle, était assez falot, inconsistant et terne.

Oui, oui, je vais m'attirer les foudres des sectateurs de l'habitant du 221b Baker Street mais c'est comme ça.

Cela ne veut pas dire, néanmoins, que je n'ai jamais pris plaisir à lire les aventures du détective et du Dr Watson mais je trouvais cela assez commun, en matière de littérature policière il y a mieux.

J'ai toujours préféré Arsène Lupin parce que plus flamboyant, plus séduisant, plus drôle et plus intelligent.

Pour preuve Arsène s'est coltiné avec Sherlock (rebaptisé Herlock Sholmès par Maurice Leblanc) et il a toujours gagné, un sourire ironique et moqueur aux lèvres.

Cela dit, Conan Doyle plaçait ces récits dans l'Angleterre victorienne mais sans références aucunes à la réelle Angleterre victorienne, après tout il était le contemporain de Jack l'Eventreur et son héros n'est jamais partie à la chasse de ce meurtrier (le cinéma a réparé cette omission).

René Reouvern replace Sherlock Holmes dans son époque puisqu'il lui fait rencontrer des personnages historiques réels aussi bien qu'imaginaires.

Une sorte de réecriture historique où l'on apprend comment et pourquoi Sherlock Holmes a été fait officier de la Légion d'Honneur, où il déjoue les plans diaboliques du Dr Moreau (oui, celui d'H.G. Wells !) et où il résout l'énigme du "suicide" de Gérard de Nerval et celle de l'existence de Shakespeare.

Pas moins !

C'est fichtrement bien écrit, dans le style des romans populaires de l'époque victorienne et c'est drôle, ce qui n'est pas le moindre des qualités de ces textes.

Et ce qui ne manque pas de piquant, c'est que l'on sent que l'auteur aime son personnage, il n'imite pas, en cela, celui qu'il imite : Conan Doyle a toujours détesté Sherlock Holmes.

 

Oserais-je dire que c'est du Conan Doyle mais mieux ?

Oui !

 

Bonne et saine lecture.

 

Le Maître des Bouviers

 

kestuveu dessin

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N
<br /> En vous lisant, je comprends que la petite lucarne ne vous plaise guère et je vous approuve; ce meuble en effet qui avait autrefois de l'allure est aujourd'hui parfaitement plat et ce qui en sort<br /> l'est encore plus. Fini les cinq colonnes à la une avec Igor Barrére ,fini les cinq dernières minutes avec Raymond Souplex; que du cucu panpan avec Oratio et son gun ou Arturio et ses girls. A de<br /> vilains navets qu'on nous offre en pitance, mieux vaut répondre par l'abstinence et la pénitence. Bien que ce ne soit pas sacrifice de passer une soirée avec un bon bouquin de Jules Verne ou<br /> d'Arsène Lupin.<br /> <br /> <br />
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L
<br /> Oui, hein !<br /> D'autant qu'un livre est d'un usage plus simple : point de tout un tas de boutons abscons aux pictogrammes mystérieux, point besoin d'un mode d'emploi traduit du japonais en passant par le<br /> serbo-croate !<br /> Les Bouviers vous saluent d'un coup de langue fraternel.<br /> <br /> <br />